Nous dessinons un monde où celui qui fait est celui qui sait. A la « fracture numérique » des usages, s’est substituée une « fêlure socio économique » des langages. Ces langages informatiques pourraient cliver (les générations, les hommes et les femmes, les nantis et les délaissés…) comme ils pourraient inclure. Parce qu’ils sont universels, accessibles et agissants, ils confèrent à celles et ceux qui s’en emparent le pouvoir…de participer au monde en train de se faire voire d’inclure à leur tour !
E-seniors et femmes des années 2020…
femmes jusqu’au bout des seins : l’artiste Albertine Meunier a encouragé des femmes âgées de plus de 70 ans à descendre dans la rue munies de tablettes pour questionner quant à la signification de « roploplos » de jeunes passants, interdits ! …Autre démarche iconoclaste proposée au Ministère de l’intérieur peu après le 13 novembre 2015 par les animateurs de l’école 42 : déployer un réseau de grands-mères prêtes à consacrer quelques heures hebdomadaires à détecter des publications suspectes sur internet.
Deux initiatives soulignant a contrario deux des lignes de partage sociétales tour à tour esquissées et effacées par le numérique : dans la sphère de la production d’abord. Les femmes représentent 21% des ingénieurs de l’informatique(1). Elisabeth Bargès, Public Policy Manager Innovation Google France, milite pour que ce ratio progresse et avance que « le numérique offre un environnement bienveillant pour les femmes : égalité salariale, articulation des temps de vie /compréhension des impératifs personnels, télétravail, hiérarchie aplanie, etc. »
Au sein de l’école Simplon (cf. encadré), connue pour sa vocation à démocratiser l’apprentissage de la programmation informatique, certaines « promos » surpondèrent la représentation féminine à 70% pour « pallier le syndrome de l’imposteur encore à l’œuvre même lorsque la gent féminine atteint 50% de la population apprenante » relate Frédéric Bardeau l’un de ses fondateurs.
Dans celle des usages ensuite : les seniors, réputés marginalisés par la déferlante des NTIC, s’acculturent vite, aidés en cela par les fabricants (2) et la jeunesse qui les pousse à la roue. A l’instar de la remarquable initiative de FCB Brazil reliant, via des webchats réguliers, de jeunes brésiliens désireux d’améliorer leur anglais à des retraités américains sujets à la solitude (3).
Handicap et international…
« Je ne cherche pas les erreurs dans les logiciels, je les vois », assène Mélanie employée par Auticon, cabinet de conseil informatique ayant choisi d’œuvrer pour moitié avec des consultants autistes. « L’an passé, 85 étudiants de l’école 42 à Paris se sont spontanément mobilisés autour d’un plan de collecte de données sur l’autisme » raconte Kwame Yamgname, désormais affairé à l’ouverture de l’antenne californienne où il observe déjà des comportements similaires à ceux des étudiants de Paris : « beaucoup visionnent des Tedx aspirationnels, s’interrogent sur leur contribution concrète à l’amélioration de l’état du monde. Pourquoi se soucieraient-ils d’abord de leur plan de carrière compte tenu du manque patent de développeurs ? » (4) ?
En Afrique aussi, les nouvelles technologies réparent des asymétries. DALIL, start up algérienne e-santé, déjà plébiscitée à l’international, vient ainsi en aide aux aveugles. Son système de reconnaissance d’objets et de navigation permet aux personnes visuellement déficientes de détecter les objets qui les entourent grâce à une application sur smartphone.
Dans un registre humanitaire, l’australienne Alexandra Clare prend acte du manque drastique de compétences exprimées par les acteurs des NTIC, d’une part, du besoin flagrant de dignité dans les zones conflictuelles, d’autre part. Re : Coded initie au code, langage transnational quoiqu’empreint d’anglais, les déplacés syriens en Irak. Cette année, 800 jeunes dont 40% de femmes, ont été intensivement formés pendant huit mois dans quatre bootcamps. L’ONG permettra à la vaste majorité de trouver un emploi local, en télétravail ou non.
Le code, son apprentissage, sa diffusion, l’appropriation de ses applications ébauche maintes réconciliations possibles. Dans leur fabrication, leurs usages, et leurs visées, les NTIC embraquent toujours plus bidouille, collaboration, résilience et propagation. Une bonne nouvelle à propager ?
SIMPLON.co
Cette fabrique contemporaine propose une formation intensive et gratuite de six mois au développement web et mobile. SIMPLON.co accompagne aussi ses publics éloignés de l’emploi vers l’entrepreneuriat numérique. Tiers lieu où convergent les innovations technique et sociale. Frédéric Bardeau et ses compères auront formé au code 25 réfugiés syriens en 2016, ouvert 30 établissements depuis la genèse du projet montreuillois en 2013 dont, à la rentrée dernière, un à Molenbeek et un au Liban ! In code we trust…mais pas seulement.
(1) Jacqueline Laufer
(2) « Il importe de proposer des solutions adaptées aux seniors[…] lecture facilitée des messages (gros caractères, lecture en synthèse vocale), les outils simples pour répondre (texte, vocal, vidéo, …), etc… sont autant d’atouts pour initier nos aînés. ». expliquent Christophe Boscher et Thierry Corbillé, présidents et cofondateurs de Tikeasy. Même combat chez Emporia ou Doro.
(4) 600 000 poste à pourvoir en informatique aux Etats-Unis en 2016 tandis que l’Europe affiche 900 000 emplois vacants dans le numérique d’ici 2020. (Commission européenne, étude « E-skills »)
(5) Conseil national d’évaluation du système scolaire