Archives mensuelles : décembre 2017

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L’école est finie

L’autorité, faut-il la rétablir ou la redéfinir ? Et le savoir, s’il relevait d’une quête intime, d’une partie de plaisir ? La libido pourrait s’avérer sciendi en laissant aux jeunes le champ libre pour aller s’y cultiver.

L’enfant pose des questions

« Je ne réponds jamais à une question que les jeunes ne m’ont pas posée », témoigne une médiatrice de l’Exploradôme à Vitry sur Seine (94) le musée scientifique où il est interdit de ne pas toucher pour environ 60 000 écoliers par an. Un autre animateur enchérit : « je leur réponds souvent par une question : devine ! ». L’enfant échafaude une hypothèse, lance, après son étonnement, la deuxième roue crantée de l’intelligence humaine, la spéculation laquelle en entraîne une troisième, celle de la compréhension !

L’enfant observe, tire le fil de son fondamental rapport au monde et déploie sans cesse son triptyque investigateur :

  • Que vois-je ?,
  • Qu’est-ce que je ressens ou qu’en pensé-je ?
  • Qu’est que j’en fais ?

L’homme a été justement appelé anthropos parce qu’il examine ce qu’il a vu (anathrôn ha opôpé) suggère Platon. On répète à l’envi qu’il s’agit de fournir le fil plutôt que le poisson pour enseigner l’art de la pêche. Alors considérez le point d’interrogation, retournez-le, il devient hameçon. Offrez à l’enfant le bénéfice des questions. Point d’interrogation point d’apprentissage.

 

Autorité : être l’auteur

Les lauréats du concours Cgénial, la Fondation reliant la jeunesse aux sciences appliquées dans les entreprises, ont donné corps au « pianocktail », un projet rêvé par Boris Van. Légitimés dans leur démarche par un professeur aidant, pas plus. Un enseignant qui sait y faire. Le « y » ne désigne-t-il pas, ici, un autre « faire » ? Le pédagogue doué n’est-il pas celui qui sait faire faire ? Il s’agit moins d’avoir de l’autorité en tant que personne encore moins d’être l’autorité, d’en endosser le statut d’être sur l’estrade. Il s’agit toujours plus de faire autorité en termes de capacités et de compétence[1].

Au Collège Léon Blum d’Alfortville, un élève pourtant réputé pour démonter les portes de l’établissement, a pris la main sur le tableau numérique parce que sa dernière rédaction a bluffé sa prof de Français. Il donne, ce matin-là, un cours magistral ! Les autres réagissent à leur tour, en prennent de la graine. Admiration prégnante de germinations ultérieures. D’où vient l’autorité ? Pas de l’éducateur, non, de l’auteur. Autorité, capacité à faire grandir si l’on tire le mot par sa racine, latine.

Rendre autrui auteur. Une affaire de posture et de prédisposition générationnelle. Et maintenant…le smartphone détenu par plus de 2 adolescents français sur 3 confère à son détenteur l’accès au monde et court-circuite l’adulte. Immédiatement. Tout de suite. Maintenant, aime à rappeler Michel Serres, signifie désormais « tenant en main ».

 

Les gais savoirs

Alors qu’est-ce qu’on attend ? Non pour faire la fête au savoir mais pour que le savoir soit fête ? La jeunesse ne demande qu’à embrasser la diversité des savoirs et emprunter le chemin qui lui sied quand il lui plaît pour y accéder. L’enfant n’est pas un être qu’il faut imprimer d’un certain nombre de paragraphes indélébiles, essentiels à sa future appartenance à la nation. Qu’à 6 ans, il faille uniformément écrire et lire ou que 700 000 futurs bacheliers s’attèlent comme un seul homme aux mêmes résolutions mathématiques à 8h00 le15 juin, cela laisse perplexe un nombre croissant d’acteurs de l’éducation et pas seulement les défenseurs de la liberté d’instruction (cf plus bas). Faut-il, pour entendre la musique, que le pianiste tire le piano à lui ou approche son tabouret du clavier ?  En 2017 plus qu’au XX è siècle, la jeunesse va au savoir plutôt que l’inverse. Cette tendance devrait s’amplifier, massivement. La remise en question du bachotage par notre actuel Ministre de l’éducation nationale en est un épiphénomène.

 

[1] Bruno Robbes : «Les trois conceptions actuelles de l’autorité», Les Cahiers Pédagogiques, mars 2006.

 

 

La part des écoles à part

Déclarée « Ecole la plus innovante du monde » par l’Unesco peu après sa création en 2003, l’école LUMIAR a vu le jour à Sao Paulo grâce à Ricardo Semler, dirigeant décoiffant de SEMCO. Michel Hervé, fondateur du groupe éponyme, parraine, lui, la première école démocratique de Paris initiée en 2016 car « l’entreprise drainera toujours plus d’esprits libres, de surdoués de l’initiative ». En dehors du personnel, l’école compte 42 membres de 3 à 19 ans mais ni élèves ni professeurs. Yazid Arifi, co-fondateur de cet établissement, sis dans le 19è arrondissement en pose ainsi les deux grands principes : « L’enfant se saisit lui-même de son apprentissage et participe à la vie de l’école, en autogestion, où chaque membre = une voix. » Un protocole régule la vie communautaire. L’autorité s’établit d’elle-même. Les connaissances s’imposent pour ce qu’elles ont toujours été : désirables.

En France, malgré le succès croissant de ces écoles alternatives privées hors contrat, seulement 60 000 mineurs seraient concernés…sur un total de 12 millions.[/fusion_text]