Mes 5 « leçons » issues du film « les heures sombres » (Winston Churchill en mai 1940):
1/ Winston Churchill a préféré les heures sombres plutôt que de « sombrer dans l’heure ».
2/ En écoutant les gens, il a changé d’avis donc la vie des gens!
3/ Sans crier gare, l’homme au cigare s’égare et botte le cul de la Victoire; en inversant son « V », il renversa le cours de l’Histoire.
4/ Se départir de Halifax* vs. laisser partir le Roi à Halifax. (*son ministre conservateur et pleutre, prônant une ultime négo avec Hitler via Mussolini. Concomitamment, le roi Georges VI fut tenté de se réfugier au Canada puis renonça salutairement à cette tentation)
5/ WC y passait beaucoup de temps; y compris pour téléphoner au Président des Etats-Unis, FD Roosevelt. Sur le trône, il dictait aussi parfois ses discours Où l’on apprend qu’il se trame des choses en hauts « lieux »!
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L’école est finie
L’autorité, faut-il la rétablir ou la redéfinir ? Et le savoir, s’il relevait d’une quête intime, d’une partie de plaisir ? La libido pourrait s’avérer sciendi en laissant aux jeunes le champ libre pour aller s’y cultiver.
L’enfant pose des questions
« Je ne réponds jamais à une question que les jeunes ne m’ont pas posée », témoigne une médiatrice de l’Exploradôme à Vitry sur Seine (94) le musée scientifique où il est interdit de ne pas toucher pour environ 60 000 écoliers par an. Un autre animateur enchérit : « je leur réponds souvent par une question : devine ! ». L’enfant échafaude une hypothèse, lance, après son étonnement, la deuxième roue crantée de l’intelligence humaine, la spéculation laquelle en entraîne une troisième, celle de la compréhension !
L’enfant observe, tire le fil de son fondamental rapport au monde et déploie sans cesse son triptyque investigateur :
- Que vois-je ?,
- Qu’est-ce que je ressens ou qu’en pensé-je ?
- Qu’est que j’en fais ?
L’homme a été justement appelé anthropos parce qu’il examine ce qu’il a vu (anathrôn ha opôpé) suggère Platon. On répète à l’envi qu’il s’agit de fournir le fil plutôt que le poisson pour enseigner l’art de la pêche. Alors considérez le point d’interrogation, retournez-le, il devient hameçon. Offrez à l’enfant le bénéfice des questions. Point d’interrogation point d’apprentissage.
Autorité : être l’auteur
Les lauréats du concours Cgénial, la Fondation reliant la jeunesse aux sciences appliquées dans les entreprises, ont donné corps au « pianocktail », un projet rêvé par Boris Van. Légitimés dans leur démarche par un professeur aidant, pas plus. Un enseignant qui sait y faire. Le « y » ne désigne-t-il pas, ici, un autre « faire » ? Le pédagogue doué n’est-il pas celui qui sait faire faire ? Il s’agit moins d’avoir de l’autorité en tant que personne encore moins d’être l’autorité, d’en endosser le statut d’être sur l’estrade. Il s’agit toujours plus de faire autorité en termes de capacités et de compétence[1].
Au Collège Léon Blum d’Alfortville, un élève pourtant réputé pour démonter les portes de l’établissement, a pris la main sur le tableau numérique parce que sa dernière rédaction a bluffé sa prof de Français. Il donne, ce matin-là, un cours magistral ! Les autres réagissent à leur tour, en prennent de la graine. Admiration prégnante de germinations ultérieures. D’où vient l’autorité ? Pas de l’éducateur, non, de l’auteur. Autorité, capacité à faire grandir si l’on tire le mot par sa racine, latine.
Rendre autrui auteur. Une affaire de posture et de prédisposition générationnelle. Et maintenant…le smartphone détenu par plus de 2 adolescents français sur 3 confère à son détenteur l’accès au monde et court-circuite l’adulte. Immédiatement. Tout de suite. Maintenant, aime à rappeler Michel Serres, signifie désormais « tenant en main ».
Les gais savoirs
Alors qu’est-ce qu’on attend ? Non pour faire la fête au savoir mais pour que le savoir soit fête ? La jeunesse ne demande qu’à embrasser la diversité des savoirs et emprunter le chemin qui lui sied quand il lui plaît pour y accéder. L’enfant n’est pas un être qu’il faut imprimer d’un certain nombre de paragraphes indélébiles, essentiels à sa future appartenance à la nation. Qu’à 6 ans, il faille uniformément écrire et lire ou que 700 000 futurs bacheliers s’attèlent comme un seul homme aux mêmes résolutions mathématiques à 8h00 le15 juin, cela laisse perplexe un nombre croissant d’acteurs de l’éducation et pas seulement les défenseurs de la liberté d’instruction (cf plus bas). Faut-il, pour entendre la musique, que le pianiste tire le piano à lui ou approche son tabouret du clavier ? En 2017 plus qu’au XX è siècle, la jeunesse va au savoir plutôt que l’inverse. Cette tendance devrait s’amplifier, massivement. La remise en question du bachotage par notre actuel Ministre de l’éducation nationale en est un épiphénomène.
[1] Bruno Robbes : «Les trois conceptions actuelles de l’autorité», Les Cahiers Pédagogiques, mars 2006.
La part des écoles à part
Déclarée « Ecole la plus innovante du monde » par l’Unesco peu après sa création en 2003, l’école LUMIAR a vu le jour à Sao Paulo grâce à Ricardo Semler, dirigeant décoiffant de SEMCO. Michel Hervé, fondateur du groupe éponyme, parraine, lui, la première école démocratique de Paris initiée en 2016 car « l’entreprise drainera toujours plus d’esprits libres, de surdoués de l’initiative ». En dehors du personnel, l’école compte 42 membres de 3 à 19 ans mais ni élèves ni professeurs. Yazid Arifi, co-fondateur de cet établissement, sis dans le 19è arrondissement en pose ainsi les deux grands principes : « L’enfant se saisit lui-même de son apprentissage et participe à la vie de l’école, en autogestion, où chaque membre = une voix. » Un protocole régule la vie communautaire. L’autorité s’établit d’elle-même. Les connaissances s’imposent pour ce qu’elles ont toujours été : désirables.
En France, malgré le succès croissant de ces écoles alternatives privées hors contrat, seulement 60 000 mineurs seraient concernés…sur un total de 12 millions.[/fusion_text]
Etoile de (Montreuil sur) Mer.
Il parle vite. Salue la performance des enduro-bikers venus ces jours-ci à un saut de batracien de là, envahir la plage du Touquet telle une nuée de sauterelles, faire démonstration de force et de farce : « des abdos et une volonté d’acier pour aller au bout voilà ce qu’il faut aux premiers ; le sens du spectacle, un engagement furieux et désintéressé de carnaval pour les suiveurs » achève t-il ainsi, animé, une brève conversation avec quelques aficionados venus s’attabler la veille. Se pâmer sans doute. Venus dormir ensuite, rêver plutôt, dans l’une des huttes de son domaine. Venus assister enfin à la vrombissante psalmo- parade. Alexandre Gauthier salue soudain. Tourne les talons. Hèle un prénom et deux consignes par l’entrebaîllement d’une porte, s’engouffre par une autre. Le chef a une mission. Une étoile. 37 ans. Une seule vie. Tout terrain, martial, précis, explorateur. On devine en lui une force de la nature désireuse de donner à la nature toute sa force. Un home grenouille. Alexandre Gauthier se trouve en cuisine « dans son élément ». Il y œuvre. Qu’il soit dedans dehors, il s’y affaire sans cesse. Tout à l’œuvre.
- Dans ses cuisines (il en dirige plusieurs outre celle, historique, héritée de son papa vers 2003 à Montreuil sur Mer, la scène nationale de Calais se voit rehaussée de sa restauration depuis 2009).
- Sur ses cuisines (il a réfléchi ses espaces avec Patrick Bouchain, architecte apocryphe).
- Hors les murs, il œuvre encore : Alexandre observe puis dompte, en laboratoire mais aux prises avec la nature dont il se saisit tel ce ganadero, son taureau par les cornes. (il confesse fièrement, dans son ouvrage, la révélation forcée de la Saint-Jacques, brûlée à vif…)
Observateur ? Affirmatif. Ses chambres, mêmes sont photographiques : les huttes bordant le restaurant de la Grenouillère s’apparentent, étymologiquement, à des cameras. Où notre temps de pause se cala sur l’optimale captation de lumière!
Une étoile ? Plus pour longtemps. Une deuxième le guette. Comment résistera t-il à la tentation de briller d’un deuxième feu au firmament de la grande casserole, alias constellation des grands chefs ? Dont on sait que certaines, quoique inertes, étincellent encore.
Résister. Voilà tout le mal que nous lui souhaitons. Tant la promulgation des étoiles nous semble comminatoire. L’écrin stellaire ne saurait émollier le double tranchant de son diamant : d’une part les injonctions du monde, bien sûr, auquel la deuxième étoile offre surtout la possibilité de déchoir ceux jadis consacrés par lui-même, d’autre part les passions secrètes. Nous gageons ici que ce chef d’expériences – au pluriel s’il vous plaît tant il paraît enclin à en poursuivre plutôt qu’à se gargariser des passées- ce jeune homme d’expériences donc, saura conjurer l’augure inscrit au fronton de sa cheminée, et contenir en sa grenouille la résistible envie de devenir bœuf. Son palmarès, nourri, rapporté à son accessibilité, manifeste, indique que oui, Alexandre Gauthier, résistera à la folie des grandeurs. Il semble né sous une bonne étoile.
E-INCLUSION, JE CODE TON NOM
Nous dessinons un monde où celui qui fait est celui qui sait. A la « fracture numérique » des usages, s’est substituée une « fêlure socio économique » des langages. Ces langages informatiques pourraient cliver (les générations, les hommes et les femmes, les nantis et les délaissés…) comme ils pourraient inclure. Parce qu’ils sont universels, accessibles et agissants, ils confèrent à celles et ceux qui s’en emparent le pouvoir…de participer au monde en train de se faire voire d’inclure à leur tour !
E-seniors et femmes des années 2020…
femmes jusqu’au bout des seins : l’artiste Albertine Meunier a encouragé des femmes âgées de plus de 70 ans à descendre dans la rue munies de tablettes pour questionner quant à la signification de « roploplos » de jeunes passants, interdits ! …Autre démarche iconoclaste proposée au Ministère de l’intérieur peu après le 13 novembre 2015 par les animateurs de l’école 42 : déployer un réseau de grands-mères prêtes à consacrer quelques heures hebdomadaires à détecter des publications suspectes sur internet.
Deux initiatives soulignant a contrario deux des lignes de partage sociétales tour à tour esquissées et effacées par le numérique : dans la sphère de la production d’abord. Les femmes représentent 21% des ingénieurs de l’informatique(1). Elisabeth Bargès, Public Policy Manager Innovation Google France, milite pour que ce ratio progresse et avance que « le numérique offre un environnement bienveillant pour les femmes : égalité salariale, articulation des temps de vie /compréhension des impératifs personnels, télétravail, hiérarchie aplanie, etc. »
Au sein de l’école Simplon (cf. encadré), connue pour sa vocation à démocratiser l’apprentissage de la programmation informatique, certaines « promos » surpondèrent la représentation féminine à 70% pour « pallier le syndrome de l’imposteur encore à l’œuvre même lorsque la gent féminine atteint 50% de la population apprenante » relate Frédéric Bardeau l’un de ses fondateurs.
Dans celle des usages ensuite : les seniors, réputés marginalisés par la déferlante des NTIC, s’acculturent vite, aidés en cela par les fabricants (2) et la jeunesse qui les pousse à la roue. A l’instar de la remarquable initiative de FCB Brazil reliant, via des webchats réguliers, de jeunes brésiliens désireux d’améliorer leur anglais à des retraités américains sujets à la solitude (3).
Handicap et international…
« Je ne cherche pas les erreurs dans les logiciels, je les vois », assène Mélanie employée par Auticon, cabinet de conseil informatique ayant choisi d’œuvrer pour moitié avec des consultants autistes. « L’an passé, 85 étudiants de l’école 42 à Paris se sont spontanément mobilisés autour d’un plan de collecte de données sur l’autisme » raconte Kwame Yamgname, désormais affairé à l’ouverture de l’antenne californienne où il observe déjà des comportements similaires à ceux des étudiants de Paris : « beaucoup visionnent des Tedx aspirationnels, s’interrogent sur leur contribution concrète à l’amélioration de l’état du monde. Pourquoi se soucieraient-ils d’abord de leur plan de carrière compte tenu du manque patent de développeurs ? » (4) ?
En Afrique aussi, les nouvelles technologies réparent des asymétries. DALIL, start up algérienne e-santé, déjà plébiscitée à l’international, vient ainsi en aide aux aveugles. Son système de reconnaissance d’objets et de navigation permet aux personnes visuellement déficientes de détecter les objets qui les entourent grâce à une application sur smartphone.
Dans un registre humanitaire, l’australienne Alexandra Clare prend acte du manque drastique de compétences exprimées par les acteurs des NTIC, d’une part, du besoin flagrant de dignité dans les zones conflictuelles, d’autre part. Re : Coded initie au code, langage transnational quoiqu’empreint d’anglais, les déplacés syriens en Irak. Cette année, 800 jeunes dont 40% de femmes, ont été intensivement formés pendant huit mois dans quatre bootcamps. L’ONG permettra à la vaste majorité de trouver un emploi local, en télétravail ou non.
Le code, son apprentissage, sa diffusion, l’appropriation de ses applications ébauche maintes réconciliations possibles. Dans leur fabrication, leurs usages, et leurs visées, les NTIC embraquent toujours plus bidouille, collaboration, résilience et propagation. Une bonne nouvelle à propager ?
SIMPLON.co
Cette fabrique contemporaine propose une formation intensive et gratuite de six mois au développement web et mobile. SIMPLON.co accompagne aussi ses publics éloignés de l’emploi vers l’entrepreneuriat numérique. Tiers lieu où convergent les innovations technique et sociale. Frédéric Bardeau et ses compères auront formé au code 25 réfugiés syriens en 2016, ouvert 30 établissements depuis la genèse du projet montreuillois en 2013 dont, à la rentrée dernière, un à Molenbeek et un au Liban ! In code we trust…mais pas seulement.
(1) Jacqueline Laufer
(2) « Il importe de proposer des solutions adaptées aux seniors[…] lecture facilitée des messages (gros caractères, lecture en synthèse vocale), les outils simples pour répondre (texte, vocal, vidéo, …), etc… sont autant d’atouts pour initier nos aînés. ». expliquent Christophe Boscher et Thierry Corbillé, présidents et cofondateurs de Tikeasy. Même combat chez Emporia ou Doro.
(4) 600 000 poste à pourvoir en informatique aux Etats-Unis en 2016 tandis que l’Europe affiche 900 000 emplois vacants dans le numérique d’ici 2020. (Commission européenne, étude « E-skills »)
(5) Conseil national d’évaluation du système scolaire
Hé Las Vegas!
Que trouve t- on derrière l’image ? Au-delà de « l’idée que l’on se fait de… ». Quelle image avez-vous de Las Vegas ? Le bien nommé Christian LUTZ donne à voir une sorte de trash investigation made in Las Vegas dans le cadre (et quel cadre !) du Festival de la photographie documentaire « Images singulières » à Sète jusqu’au 22 mai.
La vérité se loge dans l’œil de celui qui regarde. La photographie en général se veut, se doit critique. En particulier celle de Christian LUTZ. Sa méticulosité sert une iconoclastie d’un genre nouveau ; ce n’est pas tant l’image de Las Vegas mais sa vitrine qu’il brise. Son coup d’éclat consiste à faire cela sans bris. Ses caissons lumineux (forcément) apostasient la ville texane. Chacun d’eux échantillonne cette société d’écrans. A crans. Regards torves. Machine à saouls. Où les manchots mendient. D’autres comme occis, morts, bras écartés. Beau désastre. Figures tragi-comiques ; une paire de peluches disneyiennes s’abîment dans le caniveau. On touche le fond. Le fond et la forme sidèrent : littéralement, ce talent suisse nous sape tout désir. Sauf celui d’anéantir ce simulacre de néons. Comment ? En nous enjoignant, nous spectateurs, sans mots dire, de briser la glace. Consigne absurde ; le marteau est à l’intérieur…déjà empoigné par l’auteur.
Théâtre : Gombrowicz Honoré
Si vous voulez connaître la fin de l’Histoire, n’allez pas voir cette pièce. Objet théâtral non identifié. Christophe Honoré nous sert, sur un plateau déjanté, un théâtre qui déraille. Les comédiens y chantent (faux) mais nous enchantent (pour de vrai). L’auteur de ce texte inachevé, le jeune « Gombro » Witold de son prénom, revient à la vie et sur scène. Merveilleux. Incarnation, gracile et mutine, que l’on doit à Erwan Ha Kyoon Larcher, acrobate de formation. Pendant 2h45, il va « danser » notre auteur polonais disruptif. Lequel nous recèle son Immaturité ontologique. Witold Gombrowicz interroge le « bénéfice de la jeunesse ». Ce n’est pas, comme le suggère l’idiome, qu’elle récolte la sollicitude des grands. Son bénéfice, à la jeunesse, est plutôt littéral, étymologique. Elle nous fait du bien. In fine. D’abord, elle dérange. L’ordre établi. Le train-train. Celui-ci n’arrive pas. La famille « Gombro » l’attend pourtant lors d’une scène inaugurale campée dans un imposant hall de gare de province polonaise. Problème d’horloge. Lequel réussit à l’actrice Annie Mercier dont le jeu, jouissif en première partie, culmine lors d’un soliloque endiablé sur l’omniprésence de la terreur et captive ainsi son public frémissant encore du 13 novembre. Witold retire alors ses chaussures. L’ordre des adultes vacille. Leur agitation les infantilise. Que voit le spectateur, outre l’apparente contagion du ridicule ? Il voit que l’immaturité nous constitue. Que l’informe fascine, sans exception : qui n’est pas animé du désir, irrépressible, de « former » l’adolescent ? Nous désespérons d’un monde informe et nous tuons à lui donner des contours. Remets tes chaussures. Witold fait semblant d’obéir puis dansera sa vie à transformer son monde tandis que le réel s’abîme. Le réel gouverné par des idées. Le réel de Staline et Hitler réunis par Christophe Honoré au deuxième acte lors d’un Munich délirant. Enfants martyrs déguisés en adultes, tyrans capricieux et immatures. Marlène Saldana, alias Staline, chauffée à blanc après une chorégraphie anti cléricale disjonctée au premier acte, implose avec audace cette imposture historique.
A la fin, pas d’histoire mais de grands moments de théâtre.
Fin de l’Histoire d’après Wiltold Gombrowicz. Texte et mise en scène de Christophe Honoré.En tournée nationale : Toulouse du 11 au 17 décembre 2015 / Valence les 6 et 7 janvier / Créteil du 28 au 30 janvier / Nice du 25 au 27 février 2016.
dehors d’oeuvres
Rencontrer des œuvres d’art à l’extérieur occasionne une réjouissante dissonance entre artefact et nature comme si lesdites œuvres avaient fui leurs asiles, déjouant la vigilance des gardiens de musées et retrouvaient leur liberté première. Celles et ceux qui auront par exemple flâné dans le parc des Fondations Maeght à St Paul de Vence, Miro à Barcelone ou pérégriné dans les jardins de Lusiana (musée d’art moderne de Copenhague), du LAM à Lille voire à Kerguéhennec dans le Morbihan connaissent cette joie infantile de l’art (à) découvert, rythmée par cette pulsion qui sous tend la chasse aux œufs ou le jeu de piste.
Lorsque la culture s’enracine dans l’art de cultiver la Terre, elle manifeste la possibilité d’élever l’Humanité comme l’agriculture nous a transformés en communautés édificatrices, il y a 25 000 ans de cela.
Tandis que l’agriculture vise l’accumulation, l’art, placé sous le signe de la dépense nécessaire, dionysiaque par essence, a parti lié avec le vin. Dans le Rioja, Frank Ghéry a dessiné un chai (d’œuvre). Cet été encore, des viticulteurs bordelais ont convié des artistes à enivrer leurs vignes…
Mais le comble, heureuse collusion entre art contemporain et terre dédiée à la création (une nouvelle définition du vignoble ?) le comble de la démesure pourtant toute tendue vers la sophistication, est atteint au château La Coste à proximité de la Roque d’Anthéron.
Le bâtiment central couvre un parking dont la sortie piétonne à elle seule crée l’événement : votre corps émerge d’une eau miroitant, outre un ciel azuréen, l’antonyme de Narcisse, une araignée dont la maman s’appelle Louise Bourgeois ! Ce bâtiment abrite aussi l’accueil et le restaurant, pensé par Tadao Ando pour aiguill(onn)er votre visite. Et vous voici parti pour une heure trente de dilection à travers les vignes et les pinèdes. On y rencontre Richard Serra, mal à propos, lacérant la terre de ses lames de fer avec moins de grâce et de malignité que ne l’eut fait même une charrue géante, Andy Goldsworthy qui vous « nidifie » dans une cavité tapissé de chêne lequel vous tonifie et vous abreuve de sérénité à la fois. Plus tard, Guggi vous installe un immense calice, enivrant réceptacle de futures libations, après que vous avez médité aux sons inextinguibles des cloches de Paul Matisse et manqué la révélation que Tadao Ando, encore lui, s’efforce de vous aménager, une révélation relevant du « fiat lux » de la genèse qui ce jour là ne vient pas tant le ciel, gorgé d’eau, reste avare de lumière.
Une promenade inégale, dont les mauvais esprits pointeront l’ambition marketing visant à surpondérer le prix de vente des millésimes ou l’opportunité d’offrir un terrain de jeu défiscalisé pour ultra riche… La frivolité est profondément civilisatrice. Ce jour là, on s’est bien amusé.
Le « Brand content » d’accord, le public content d’abord
Gisement économique encore sous-exploité en France, le tourisme culturel explosera…fort d’une communication et d’une médiation adaptées.
Des temps forts et pas (ou peu) de temps morts. Un contenu substantiel. Un siège social-patrimonial magnétique, des rendez-vous physiques : les 30 000 lieux de culture et musées en Europe, ont chacun des atouts que de nombreuses marques devraient leur envier.
Concernant la France, il ne s’agit pas d’en faire un musée. Elle l’est. Il s’agit de mettre en musique (l’étymologie du mot Musée nous y invite) son patrimoine et son activité artistique. Le public est prêt, le contenu est là. En réaménageant son dispositif d’accueil, le musée du Louvre a quasi triplé sa fréquentation. A Lens, 10 000 personnes traversent chaque jour la galerie du Temps depuis son inauguration le 12/12/12. Le Centre Pompidou à Metz attire 500 000 personnes par an soit + de 50% au-delà de ses espérances lors de son lancement en mai 2010 tandis que la version mobile de la marque aura drainé plus de 200 000 visiteurs depuis le début de sa tournée hexagonale en mai 2011. Presque 2 français sur 3 fréquentent les lieux de culture.
La France, outre ses blockbusters « brick and mortar », a su créer d’immenses rendez-vous culturels à l’instar des Festivals d’Avignon ou de Cannes et plus récemment des Vieilles Charrues ou des Transmusicales. Dénominateur commun de ces succès ? Ils sont l’apanage de passionné(e)s. De celles et ceux ayant « quelque chose à dire » obstiné(e)s de l’intrinsèque qualité de l’offre, obsédé(e)s du respect dévolu au public avant de se préoccuper de « l’histoire à (leur) raconter ». Comment expliquer, par exemple, la revitalisation du 104 depuis 2010 autrement qu’en flattant l’exceptionnel entrain de son nouveau directeur artistique ? Si le propos est substantiel, l’expérience sur site réussie, le succès n’est plus qu’une affaire de com’. Nous y voilà.
Entendons-nous bien, la communication culturelle ne jette ni paillettes ni argent par les fenêtres. Elle vise à renforcer les modèles économiques des entités qu’elle promeut, à créer des richesses, fertilise l’attractivité des territoires. Le développement culturel est encore économiquement sous-exploité en France. Un exemple ? Première destination au monde avec 84 millions de touristes annuels, si les acteurs français parviennent à vendre une visite/un spectacle de plus par touriste et par an, une entrée de devises d’un milliard d’euros se profile.
Si « le beau fait vendre » selon la formule du designer Raymond Loewy, comment vendre le beau ?
- en décloisonnant les compétences: la com’ n’est jamais aussi efficace que lorsque les programmateurs/commissaires d’expo s’impliquent en amont et partagent leurs projets avec les responsables du marketing et les chargés d’accueil dans les lieux de culture.
- en repensant le contenu aux fins de le rendre engageant et appropriable.
- en cultivant son identité dans la durée.
- en incorporant la révolution numérique au sein de chaque musée (au moins 35% des visites sont préparées sinon prépayées sur internet).
Ces postures et mesures ne dessinent pas la pierre de rosette qui réveillera la France. Elles visent à booster la communication culturelle. Elles sont autant de clés pour « entreprendre la culture ». Plus qu’une marque, le musée français, se considère comme un symbole dont l’étymologie nous rappelle la fonction de conciliation. Les lieux de culture et leurs communicants gagneront à dépasser le « brand content » pour viser un public content. Les enjeux sont économiques et à terme sociétaux !
Art monde
Certains artistes contemporains non contents de tisser une réputation mondiale cultivent le don d’ubiquité. Les meilleurs de ces artistes nous fascinent. Au sens étymologique du terme car l’admiration qu’on leur voue se teinte d’effroi.
A l’instar de son « Red Homeland » en rotation, immense cadran de cire rouge perpétuellement labouré, Anish Kapoor incarne tout à la fois l’apatride, le Démiurge et le Martyr livré sans relâche à ses obsessions.
Après Alice au pays où les aiguilles ont déserté les montres, Anish Kapoor habite une planète sans méridiens ni latitudes. Pour cause : il en a mappé quelques unes de ses œuvres !
L’univers de l’artiste fait une incursion dans chaque réceptacle urbain prêt à l’accueillir. Sitôt installé, son monde se retourne comme un gant et le spectateur y pénètre. Parce que l’on ne voit pas une œuvre d’Anish Kapoor, on « entre dans son monde ». Double pénétration hermaphrodite en vérité. Expérience obstétrique ou réminiscence pré-natale selon que l’on se trouve dehors ou dedans. Cette réversibilité expérientielle violente, du monde d’Anish Kapoor, confère à son visiteur (on ne « contemple » pas l’œuvre de Kapoor, on la visite) un super pouvoir : celui de l’ubiquité. Pas celle, molle, du réseau social (où l’on voit) celle, bouleversante, de l’art à l’œuvre (où l’on vit)*. Certains artistes mondialisés cultivent un don : le don de NOTRE ubiquité. Comment s’étonner dés lors de ce que le Grand Palais, lors de son dernier Monumenta, ait compté 200 000 visiteurs !
*Incidemment, le Leviathan était déconseillé aux femmes enceintes.
*A Milan, à la Fabrica del Vapore, chaque visiteur signe une décharge avant de s’engager dans le tunnel de 57 m conçu par l’artiste. (jusqu’à fin janvier 2012).
Sacré monstre.
Marie-Claude PIETRAGALLA au Palace mars 2011 :
Déesse déchue, Diva musclée.
Pietragalla, dans son dernier spectacle, nous raconte les limites de l’émancipation féminine en retraçant l’Histoire, le 8 mars, d’Eve et de toute sa descendance jusqu’à l’executive woman dont la vie syncopée confine à l’absurde. La tentative d’une narration itérative (on a le droit à un flashback accéléré du one woman show en vidéo à la fin) échoue sur les rives de la démagogie et d’une danse qui ne se suffirait plus à elle-même, étayée par le bruit et les technologies.