Archives mensuelles : avril 2014

LA FRANCHISE, PHENOMENE FRANÇAIS

Passé de 34 magasins franchisés en 1971, à 1719 en 2013, l’hexagone s’affirme comme leader européen. De nombreux indicateurs soulignent l’excellence française pour la distribution, pas seulement la grande. Pourquoi cette voie entrepreneuriale séduit tant les français ?

 

DES INDIVIDUALITES OUVRENT LA VOIE…

Le succès de la franchise, tient de l’arrimage d’un bon concept et d’une bonne exécution. Alchimie probante en France, pays des idées et de l’individualisme. A commencer par le bon concept : Quel est le point commun entre Yves ROCHER, Jacques DESSANGE, Franck PROVOST et Alain AFFLELOU ?…. Ce sont des affaires d’hommes(1).  Chacun a mis son nom sur la table. Surtout, ils ont (é)prouvé leur concept. Eux-mêmes pilotes avant de piloter les autres, à l’instar d’un Yves ROCHER fabricant ses onguents dans le grenier de sa maison natale, premier centre d’expédition de ses ventes par correspondance dès 1959.

…A DES INDIVIDUS IMPLIQUES

A continuer par la bonne exécution. Oui, le mariage entre franchiseur et franchisé fait des petits pour longtemps si les deux parties (s’)investissent. Parce que non seulement le franchisé apporte du capital (entre 10 000 et 1,5 millions d’euros selon les enseignes) mais surtout parce qu’il s’engage dans un choix de vie, son obligation de résultat est plus forte que celle d’un salarié. De fait, le taux de rentabilité sur RBE des franchisés Brioche Dorée s’avère supérieur de 28% à celui des magasins succursalistes(2).

En 2013, 30 % des Français expriment leur envie de créer ou de reprendre une entreprise (3).   L’intrapreneuriat en mode franchise fait recette. Si environ la moitié des entrepreneurs échouent dans les cinq premières années, les chances de réussite en franchise sont dix fois supérieures selon Louis Le Duff(2).

 

ESPRIT JACOBIN

Les deux premiers facteurs clés de succès de toute franchise, notoriété et homogénéité, renvoient à l’esprit jacobin encore prégnant et à la cohérence interne du territoire France.

Afin de gagner la course à la notoriété, Guillaume RICHARD, fondateur du réseau O2 investit 10% de son chiffre d’affaires en communication(4).

L’homogénéité, elle, relève de trois critères, caractéristiques de notre terreau mental français :

  • Fraternité, esprit de famille : « je dois une partie de mon succès aux  « mercis et bravos » soutenus par un budget fleurs et chocolats en interne » déclare Guillaume RICHARD.
  • Normativité et sens critique : les enseignes pérennes ont su rédiger des livres de normes…les mettre en œuvre et les améliorer(5).
  • Sélectivité, tant la force d’une chaîne se mesure à l’aune de son maillon le plus faible.

AGILITES LOCALES

Mais le franchisé ne serait pas « gaulois » s’il ne recélait sa part d’irréductibilité. Laquelle complète le trousseau de deux facteurs clés :

  • Initiative et adaptabilité terrain.
  • L’innovation, cocktail de la diversité des parcours des franchisés et de la qualité renouvelée des échanges entre eux et avec le franchiseur dont l’expérience s’enrichit par là. Une telle innovation fertilise l’ensemble du réseau !

 

  • Rare exception confirmant la domination masculine des créateurs de franchises, Geneviève LETHU. Les femmes constituent en revanche 40% de la population des franchisés en France.
  • Louis Le Duff « réussir en toute franchise » chez Albin Michel (2006).
  • Source : Sondage réalisé en 2013 par l’institut Think pour l’Agence pour la création d’entreprise (APCE).
  • Soit 9 millions d’euros. O2, leader des services à la personne, est le premier recruteur de France 2008-2013 selon une étude Xerfi.

En outre, avant de devenir franchisé, la loi Doubin oblige le franchiseur à remettre à tout postulant un Document d’Information Précontractuel. http://www.franchise-fff.com/

NOS LOGOS pour la vie…et par delà !

Construire sa marque  relève désormais d’une démarche profonde. Laquelle épouse, voire soulève, le projet entrepreneurial. S’y atteler, c’est émettre des signaux forts de confiance en son entreprise.  A raison ?  Il semblerait que le branding renforce solidité financière et longévité…

Petite histoire du branding

Dans l’Amérique des cow-boys, le brandon désigne le fer marquant le bétail. En Europe, les cartouches pyrogravés attestent de l’origine des caisses de vins déjà un siècle avant que les crus bordelais ne se classent, en 1855(1). Jusqu’au milieu du XXè siècle, les architectes gravaient souvent de leur nom la pierre angulaire des immeubles construits selon leurs plans, engageant par là leur responsabilité. D’innombrables fabricants et industriels ont ainsi parié sur la postérité. Pensez aux constructeurs automobiles portant encore les noms de leurs créateurs par exemple. Puis, avec Bleustein Blanchet et les Mad men, l’audace et la confiance, si l’on en juge d’après l’orientation des investissements depuis sept décennies, basculent du camp des inventeurs vers celui des marketeurs. Enfin, à force de publicité, les marques tomberont, au XXIè siècle, dans le domaine public. De fait, sinon de droit. Pour vous en convaincre, songez au tollé soulevé par la velléité de GAP de modifier son logo et au statu quo dicté par sa communauté de consommateurs. En moins de trois siècles, s’est imposée la science à construire des marques : le branding. Ironie de l’histoire, celui-ci a d’abord été circonscrit au signe de la propriété pour finalement devenir l’affaire de tous. De la lecture de ce paragraphe, retenez que les marques sont désormais de plus en plus le fait de leurs publics(2) après avoir été l’apanage de fermiers, de fabricants et de publicitaires.

 

Or les publics s’emparent d’esthétique. Au sens, grec du terme, où le Beau et les sensations s’entremêlent(3). Le vocabulaire iconique des marques s’est donc progressivement élargi à tous nos sens. La vue, principal contact sensoriel humain, est abondamment sollicitée : couleurs (le rouge de Louboutin), formes (le flacon N°5 de Chanel), icônes (le Bibendum de Michelin), motifs (le monogramme Louis Vuitton), typo (Renault possède son propre alphabet), illustrations,… sont désormais relayés par l’odorat (le magasin Colette à Paris diffuse « son » odeur et la commercialise), l’ouïe (les sonneries subaquatiques de Skype), le toucher (la Laitière conditionnée en pots de verre granuleux), le goût (Nutella ou Veuve Cliquot savent à quel point leurs recettes sont « marquées ».)

 

Branding contemporain : mode d’emploi

L’entrepreneur « infini » d’aujourd’hui peut procéder en trois points fondamentaux.

  1. Tout entrepreneur gagnera à balayer TOUS ses points de contact avec ses prospects, clients, (futurs) collaborateurs, partenaires etc… et vérifiera leur cohérence interne. De la bande son téléphonique jusqu’au packaging en passant par sa page fan et sa papeterie institutionnelle.
  2. Le NOM est fondamental. Il porte une ambition inaugurale ET indélébile pendant la vie de l’entreprise. Il doit être réfléchi en conséquence. On peut, on doit faire évoluer sa marque et ses attributs mais le nom, lui, reste invariable. Sauf à infléchir le projet d’entreprise…
  • Sans renoncer à son quant à soi, le/la chef d’entreprise sera toujours plus enclin/e à lâcher prise et à substituer aux « cibles » marketing, des interlocuteurs: à la fin des années 90, à Londres, des jeunes femmes arborent le logo DYKEA(4), directement détourné de celui du distributeur de mobilier, lors de la Gay Pride. La direction Marketing d’IKEA intente d’abord un procès à la communauté lesbienne mais se ravise…en réalisant que ladite communauté consomme 20% des produits à forte valeur ajoutée dans ses magasins et influence les autres acheteurs !

 

Les visées du « brand building »

Pourquoi construire une marque ? Comment justifier plus de 30 milliards d’euros annuels en France de dépenses publicitaires ? Outre les logiques de différenciation, ces efforts visent trois objectifs :

augmenter la valeur de l’entreprise.

A partir des années 1980, s’impose la notion de capital de marque (« brand equity ») dont l’évaluation, quoique fluctuante, s’avère toujours plus déterminante pour les sociétés cotées ou lors de transactions financières. Naomi Klein a décomposé la chaîne de valeur d’une paire de chaussures Nike Air(5). Sortie d’usine de Jakarta puis transportée par container, dédouanée au Havre et livrée sur les étagères de ce qui serait maintenant le Citadium Caumartin au coût de 45 euros, elle est commercialisée 110 euros. Les 65 euros restants couvrent d’importantes dépenses  de marketing et de communication et laissent une marge très confortable à Nike. Si la brand equity a pu se traduire par une valorisation financière basée sur des études de marché et sur les investissements de communication passés, les récentes emplettes des FAGA(6) témoignent d’une redéfinition du capital de marque: son calcul s’apparente désormais au capital émotionnel comptabilisant les consommateurs connectés à votre marque…dans le futur.

 

incarner et manifester un projet

Plus l’aventure est individuelle, familiale, plus il y a de l’égo dans le logo. Passé ce stade, l’entreprise réalise à quel point le design porte son dessein, rend sa pensée, son ambition, sa proposition commerciale visibles. A condition d’adopter une posture mentale dynamique ; Les praticiens du branding le savent : le « ing » prime sur le « brand ».

 

prolonger l’espérance de vie

Quel est le point commun entre Solex, Cacolac, Tann’s et Repetto ? Toutes ressuscitées. Comment ? En soufflant sur les braises. En ravivant les souvenirs des consommateurs, en actualisant l’essence de marque pourtant cliniquement mortes, des entrepreneurs audacieux ont accompli des miracles.  Rose Repetto conçoit ses premières ballerines en 1947 et porte sa marque éponyme aux nues jusqu’à son décès en 1984. Reprise par un groupe puis par une banque, la marque périclite…jusqu’à ce que Marcel Gaucher la rachète en 1999, surmonte un dépôt de bilan en 2002 et redonne un formidable essor(7) à l’entreprise en la chevillant au luxe. Autre Phénix, le cartable Tann’s. Conçu par Le Tanneur dans les années 70, il renaît de ses cendres en 2008 après 15 ans d’absence, grâce au souffle de trois trentenaires nostalgiques et téméraires. Là encore, avec 200 000 cartables écoulés en 2013, le « branding cocktail » séduit : le nom, des signes émis cohérents et un souffle originel actualisé.

 

  • il faudra attendre 1935 et l’action du juriste député de Gironde, J. Capus pour faire naître les origines contrôlées.
  • lire l’excellent ouvrage de Catherine Becker « du Ricard dans mon Coca ».
  • le Beau reflète le Bon selon les platoniciens ; les marques savent qu’elles doivent investir bien au-delà des sensations !
  • dyke signifie « lesbienne » en argot britannique
  • No logo, paru en 2000.
  • Facebook, Amazon Google et Apple. Facebook a « acquis » chaque utilisateur de What’sApp pour un coût de 42 US dollars maintenant mais escompte voir ce coût ramené à 19 dollars…lorsque le réseau de messagerie instantanée aura atteint le milliard d’usagers.

CA 2012 : 60 millions d’euros et plus de 50 points de vente en propre dans le monde.